L’insertion, au plus près de la personne

Depuis sa création, en 2008, le Service d’insertion du CSP s’est fortement diversifié, tant en termes de publics que de mesures d’intervention. Tour d’horizon avec ses deux protagonistes.
Comment arrive-t-on au Service insertion du CSP ?
Karin Breuninger (KB) : Notre service travaille toujours de manière tripartite, avec des partenaires comme l’Office cantonal de l’emploi, le Service d’aide au retour à l’emploi, l’Hospice général et d’autres structures actives dans l’insertion. C’est très rare que nous accueillions des personnes en dehors de ces filières.
Quels types de personnes accompagnez-vous et quelles sont leurs demandes en arrivant ?
KB : Les personnes que nous suivons sont de tout âge. Mais nous accueillons de plus en plus de jeunes. C’était déjà le cas avec les apprentis engagés à la Renfile de Meyrin, dans le cadre du programme Service formation jeunes de Caritas Genève. Mais notre rôle ici se limite à celui de l’employeur formateur. De nouveaux projets d’insertion pour les jeunes sont nés et notre accompagnement s’est étendu. C’est le cas des jeunes issus de la migration qui travaillent dans nos boutiques depuis le programme qui a été développé avec nos partenaires de Tourbillon. Ou encore des six jeunes accueillis en 2022 dans notre Atelier couture suite à un appel à projets du Département de la cohésion sociale (DCS) [voir nos articles en p. 5]. Dans leur cas, c’est carrément un avenir qu’ils viennent chercher !
Emmanuelle Gosteli (EG) : Avec les personnes qui nous sont adressées par l’Hospice général pour des activités de réinsertion (AdR), nous faisons toujours un essai, quels que soient leurs difficultés et leur CV. Parfois, nous devons faire plusieurs tentatives avant de trouver le bon lieu et le bon cadre. Souvent, ce sont des personnes qui ont envie de remettre le pied à l’étrier, de servir à quelque chose… Il y a aussi celles qui sont à la recherche d’une première expérience professionnelle en Suisse, qui souhaitent améliorer leur français. On constate un effet d’émulation entre nos publics : les personnes en AdR qui voient des jeunes se lancer dans un apprentissage, ça leur donne envie !
KB : Le cas des emplois de solidarité (EDS), qui sont des contrats de droit privé, est un peu différent. Pour ces personnes, nous devons toujours nous poser la question : « Qu’est-ce qu’un travail au CSP pourra leur apporter ? » C’est la proximité à l’emploi et la plus-value que nous pouvons apporter dans le CV de la personne qui définissent notre intervention.
C’est quoi, pour vous, une insertion réussie ?
KB : Pour moi, c’est se mettre en mouvement. L’insertion est un chemin et elle ne se décline pas seulement en termes professionnels. Les personnes que nous accueillons ont parfois une histoire sociale qui les oblige à se reconstruire entièrement. Nous essayons de poser les premiers jalons.
EG : Pour moi, dans l’idéal, c’est l’obtention d’un contrat fixe. Mais cela peut aussi être le fait de trouver un appartement. Chaque personne a une histoire et des objectifs propres. Le CSP est une petite partie d’un réseau. Nous regardons où se situe la personne et l’accompagnons sur un bout de chemin. Cela peut nous amener à traiter des problèmes sans lien direct avec la sphère professionnelle, par exemple en sollicitant un soutien juridique pour une personne victime de violences. Notre accompagnement est donc très personnalisé.
Quelle est la spécificité du service insertion du CSP ?
KB : Nous avons l’immense avantage de pouvoir faire du sur-mesure. Le fait de ne pas bénéficier de financements directs, comme l’assurance-invalidité, nous permet de fixer nous-mêmes les indicateurs de réussite en fonction de chaque situation. Nous avons la chance de pouvoir passer énormément de temps avec chaque personne, sans exigence de rentabilité. Pour certains publics, c’est indispensable. L’autre avantage de notre fonctionnement est d’être d’une très grande souplesse. Une situation individuelle, un besoin identifié, peut donner naissance à de nouveaux projets. Par exemple, la Croix-Rouge genevoise nous avait adressé un jeune qui souhaitait préparer son admission en CFP Arts. Nous étions justement en pleine réflexion sur l’Atelier couture. Avec l’appel à projets du DCS, arrivé peu après, nous avons décidé d’en faire un lieu de formation. Enfin, l’arrivée d’Emmanuelle Gosteli a permis de développer des mesures de formation de manière extrêmement personnalisée. Là aussi, nous pouvons nous permettre de faire du sur-mesure.
Quels sont les enjeux et les défis que vous identifiez dans le monde de l’insertion ?
EG : La fracture numérique doit nous inciter à renforcer encore les mesures de formation. J’observe aussi une tendance au « patronat bienveillant » : il existe une demande de la part d’entreprises qui souhaitent faire davantage pour l’insertion, mais qui n’arrivent pas à le faire seules.
KB : Les métiers changent, les bénéficiaires aussi. Les outils de recherche d’emploi seront sans nul doute impactés par les outils de l’intelligence artificielle. La nécessité de s’adapter concerne tout le monde dans une société où les mutations s’accélèrent. Mais les publics en insertion sont encore plus concernés. J’ai le sentiment que les personnes sont souvent moins éloignées de l’emploi que du recrutement ! Le marché du travail a parfois des attentes insensées. Résister ne servirait pas à grand-chose. Notre travail est d’accompagner les personnes pour qu’elles soient capables d’évoluer autrement.
Propos recueillis par Carine Fluckiger
Karin Breuninger
Titulaire d’un master en relations internationales, Karin Breuninger est formatrice d’adultes, coach en santé et équithérapeute. Elle a travaillé durant vingt ans dans la communication en Suisse et à l’étranger avant de se tourner, il y a quinze ans, vers la formation, l’accompagnement humain et l’insertion socio-professionnelle. Elle propose aux candidats à l’insertion de partir de leur situation du moment pour définir un chemin tenant compte aussi bien de leur besoin de sécurité que de leur autonomie et de leur responsabilisation.
Emmanuelle Gosteli
Licenciée en sciences de l’éducation, spécialisée en technique de recherche d’emploi et sensibilisation à la bureautique, Emmanuelle Gosteli a plus de vingt ans d’expérience dans l’insertion socio-professionnelle et le jobcoaching. Ses qualités humaines lui ont permis de remobiliser de nombreuses personnes dans leurs processus d’apprentissage en restaurant leur confiance.