Apprendre le métier de la vente: portrait de 2 apprentis
Depuis la fin de l’été, les responsables des boutiques des Pâquis et de Plainpalais forment deux jeunes pré-apprentis d’origine afghane. Une expérience pilote qui fait l’unanimité !
Ils ont traversé seuls les mers et les déserts. Ils avaient entre 15 et 19 ans à leur arrivée en Suisse, où ils cherchaient une terre d’espoir et d’asile. Ils se sont heurtés à des bastions administratifs.
« Certains de ces jeunes ont été scolarisés dans leur pays, d’autres peu ou pas du tout », commente Karin Breuninger, responsable du Service insertion du CSP. « Les traumatismes qu’ils ont vécus avant ou pendant leur voyage expliquent en outre qu’ils puissent avoir de la peine à mobiliser leurs compétences et présenter des troubles cognitifs. »
Une seconde chance
Dès 2019, ces jeunes pouvaient être accueillis par la Fondation PRO, en partenariat avec le DIP : un jour d’école par semaine pour compléter leurs connaissances de base, quatre jours par semaine de stage chez PRO pour tester leurs compétences en milieu d’entreprise.
Mais ce n’était pas toujours suffisant pour permettre à ces adultes en herbe aux parcours accidentés d’embrasser une formation certifiante sous la forme d’un CFC ou d’un AFP. Un nouveau projet, chapeauté par PRO avec ses partenaires de Tourbillon, le DIP, le Bureau de l’intégration des étrangers et l’Hospice général, a donc vu le jour à la rentrée 2021. Son objectif : offrir un second tremplin à ces jeunes, en leur proposant une année de pré-apprentissage dans un panel de formations et consolider leur maîtrise du français.
Mohammad et Morteza
C’est dans ce projet que s’inscrivent Mohammad et Morteza, tous deux originaires d’Afghanistan et arrivés seuls en Suisse vers l’âge de 15 ans. Depuis le 30 août, Anne Sarro et Valentine Gay les accueillent à la boutique des Pâquis et de Plainpalais.
Dans la liste de formations possibles, tous deux avaient coché en premier la gestion du commerce de détail. « Mon vrai grand rêve, c’est de travailler dans une crèche », raconte Mohammad. « Mais il faut avoir un très bon niveau de français et on ne peut pas y travailler comme pré-apprenti. »
« J’ai travaillé toute ma vie en Iran, où s’était installée ma famille. Je n’ai jamais été à l’école. En arrivant en Suisse, j’ai dû apprendre le français, mais aussi à lire et à écrire », poursuit le jeune homme d’une voix douce.
Anne Sarro, la responsable de la boutique des Pâquis, se réjouit de ses progrès : « Que ce soit à la caisse ou dans la relation avec les clients, il ne fait pas d’erreur. Il se montre très motivé. Et la motivation, cela fait déjà la moitié du travail ! »
Morteza, quant à lui, est plus à l’aise pour parler en français. « Mais écrire, c’est vraiment compliqué. Je travaille aussi ça avec Valentine. Ça m’aide beaucoup de pouvoir faire des cours en tête à tête. »
En plus de l’immersion dans le domaine de la vente à raison de quatre jours par semaine, le programme prévoit en effet une heure par jour d’études dispensées par les responsables des boutiques, qui suivent elles-mêmes une formation EduPro pour l’encadrement d’apprentis. Une demi-journée par semaine se passe également dans les murs de la Fondation PRO, où les jeunes pré-apprentis étudient la culture générale et l’informatique.
Soif d’apprendre
Par rapport à d’autres personnes qu’elles ont encadrées, les deux responsables relèvent l’incroyable soif d’apprendre de leurs pré-apprentis. « Il en amasse, du travail ! », relève Valentine Gay. « Il a le potentiel d’un excellent vendeur. Il se montre empathique et attentif avec la clientèle. Il est très preneur de tout ce que je peux lui apprendre. En même temps, je veux lui laisser du temps. La vente, c’est un travail qui peut être dur. » Morteza, de son côté, se dit ravi : « Le stage que je faisais avant dans la logistique était très physique. J’avais envie d’apprendre quelque chose de nouveau. Je suis trop content d’être ici ! »
Une formation sur mesure
C’est une nouvelle prestation en insertion que propose avec ce programme le CSP, souligne Karin Breuninger. « Les deux candidats sortaient du lot. Ils une capacité exceptionnelle à apprendre et à prendre leur parcours en main. Nous partons de leurs besoins pour construire la formation avec et autour d’eux. Il s’agit donc d’un nouveau concept clé en mains qui pourra servir à d’autres types de personnes en réinsertion. »
Article de Carine Fluckiger – Photos Irina Popa